Avoir des enfants change le rapport à l’alcool

Avoir des enfants change le rapport à l’alcool

 

Devenir parent, c’est parfois arrêter de boire (ou limiter fortement sa consommation). Sans forcément l’avoir prémédité.

«Je n’ai jamais été une buveuse invétérée, mais j’ai toujours apprécié un verre de vin à un moment bien choisi. Et soudain, j’ai réalisé que ça s’était évaporé de mon existence.»

Seule avec ses enfants pendant la majeure partie de la semaine, Agnès gère tout à la maison. «La charge mentale, c’est moi», résume-t-elle avec un rire qui tente sans conviction de dissimuler sa fatigue. Elle passe ses journées à zigzaguer entre l’école maternelle de l’aîné, la crèche où le cadet se rend de façon occasionnelle, les tâches ménagères, les formalités administratives, et les missions freelance qu’elle exécute quand il lui reste du temps. «J’ai une vie de mère assez classique: je cours tout le temps, mais les gens ont l’air de penser que je me tourne les pouces la moitié de la journée.»

«Le môme qui termine sa nuit à 5h45 n’en a rien à faire que tu aies un peu trop levé le coude la veille.»

L ‘un des enfants d’Agnès a beaucoup de mal à s’endormir, et l’autre a au contraire tendance à se réveiller très tôt. «Autant dire que quand j’arrive à dormir huit heures d’affilée, je me sens ultra vernie», commente cette graphiste indépendante.

Jadis, Agnès aimait bien finir sa journée avec un verre de Chardonnay ou de Pouilly fumé. «Mais seulement certains soirs, hein, n’appelez pas la DDASS. Avec ou sans mon conjoint, c’était agréable de marquer la fin de certaines journées un peu chargées avec ce moment de calme et de bien-être.» Agnès n’arrive pas vraiment à savoir si c’est arrivé soudainement ou de façon progressive, mais un jour, pourtant, elle a «réalisé que ça faisait des lustres qu’aucune bouteille n’avait été ouverte».

«Le risque que des enfants deviennent alcooliques à l’âge adulte est plus important lorsqu’au moins un des parents est alcoolique.»

Maria Melchior, épidémiologiste et directrice de recherche à l’Inserm

Charge mentale sans alcool

 

Ce sevrage involontaire, Agnès l’interprète de plusieurs façons: «J’en reviens à cette histoire de charge mentale. Le soir, une fois mes fils bel et bien endormis, il me reste toujours des choses à faire. Préparer le repas du lendemain, plier du linge, remettre la maison en ordre… j’ai toujours mieux à faire que de m’asseoir avec un verre bien frais. De la même manière, moi qui aimais bien prendre de longs bains en soirée, j’ai quasiment arrêté. C’était ça ou laisser ma maison devenir une porcherie.»

C’est lorsqu’elle a rebu quelques verres lors d’une soirée qu’elle a réalisé qu’au fond, la sobriété faisait désormais partie d’elle: «Quand tu as de jeunes enfants, tu ne peux plus te permettre de mal dormir à cause d’aigreurs d’estomac, ou de te réveiller avec un petit mal de crâne et la bouche pâteuse. Tu as besoin de rentabiliser chaque minute de sommeil et d’être capable d’assurer à toute heure, parce que le môme qui termine sa nuit à 5h45 n’en a rien à faire que tu aies un peu trop levé le coude la veille.»

Date de dernière mise à jour : 21/11/2019